Une santé qui n’appartient qu’à soi

Hier, le Centre de conseil familial de la province Sud a fêté ses 24 ans d’existence au service des adolescents, jeunes adultes et parents. Mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant que son public ne s’approprie sa santé.

Par Aude Perron

Vingt-quatre ans. Pour souligner son anniversaire, le Centre de conseil familial (CCF), à Montravel, a convié hier ses partenaires, les professionnels de la santé et des lycéens pour un après-midi d’animations. Exposition d’artistes, dévoilement d’une fresque murale du graffeur Kuby et animation théâtre sur la sexualité donnée par Pacifique et Compagnie. C’était l’occasion aussi pour la structure de rappeler son rôle d’écoute, d’information et de soins auprès des familles, des scolaires jusqu’aux parents, en toute confidentialité. En 2014, plus de 4 000 personnes ont été reçues en consultation, soit par le médecin, l’assistante sociale, le psychologue, le juriste ou le gynécologue.

Cependant, force est de constater qu’il y a encore beaucoup d’éducation à faire en matière de santé. « Chez ceux qui nous consultent, il y a un souci au niveau de la responsabilité de leur propre santé. C’est comme si leur santé était extérieure à eux. Ils la déposent entre nos mains », remarque Anne Pleven, psychologue au CCF. « On observe une attitude fataliste, de soumission et de peur, abonde Brigitte Lèques, médecin responsable du centre. C’est un signe de confiance, certes, mais il faut que les gens comprennent qu’ils sont capables de prendre des décisions et de s’occuper d’eux-mêmes. »

Toujours tabou

Pour l’instant, Brigitte Lèques reçoit en priorité scolaires, étudiants, apprentis, souvent pour des dépistages, des moyens de contraception, des frottis ou des grossesses non souhaitées. Mais parfois, il est trop tard, comme pour cette lycéenne de 15 ans, enceinte, rencontrée hier : à une semaine près, il n’est plus possible pour elle d’envisager une IVG. « C’est le genre de situation qui me touche : à la fin de l’année scolaire, ça y est, sa vie bascule », confie Brigitte Lèques.

C’est dans une optique de sensibilisation et d’éducation que le CCF a invité Pacifique et Compagnie : devant un parterre de lycéens de Do Kamo et de Petro-Attiti, les comédiens ont joué cinq saynètes sur les relations sexuelles, la contraception, l’alcool, le plaisir sexuel et la communication familiale. Et les ont rejouées avec, cette fois, la possibilité pour les jeunes d’arrêter le cours du sketch et de proposer des changements pour améliorer la situation dans laquelle se trouvent les personnages. Les lycéens rient, se coupent la parole, se cachent dans leur tricot… bref, ils se sont emparés de l’occasion et s’expriment. Ce qu’ils ne peuvent pas facilement faire ailleurs. « A la tribu, on ne peut pas parler de ça, résume une lycéenne. C’est par respect pour nos vieux, parce que c’est mal élévé. On a honte. »

Photo : Jacquotte Samperez

Une santé qui n’appartient qu’à soi, Les Nouvelles Calédoniennes, 9 mars 2016.

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